Comment peut-on être Persan?
La phrase de Montesquieu des Lettres persanes m’est souvent revenue à l’esprit durant mes quinze années passées au Japon. Ce pays empreint de modernité et de traditions, inspiré par la Chine de Confucius a placé le respect au cœur de sa société et de son éducation mais à un degré difficilement imaginable pour un occidental ! La discipline et le grand respect du professeur sont probablement les grands souvenirs de mon expérience nippone. Comment oublier la première fois où la sonnerie ayant à peine retenti, mes élèves m’ont prestement débarrassé de l’effaceur que je tenais en main pour nettoyer à ma place le tableau maculé de craie blanche ? Ou cette jeune fille, n’ayant pas pu rendre son devoir dans le délai fixé, venue s’excuser en s’inclinant une bonne demi-douzaine de fois devant son professeur… interloqué ! Ou bien encore, animer des cours du soir à un public fidèle, dimanche compris !
En ajoutant le sérieux et la persévérance des apprenants, on pourrait penser avoir enfin trouvé un modèle à suivre ? Hélas non !
Car si l’ordre règne bien en classe, le silence du groupe devient vite assourdissant ! Les élèves, habitués depuis toujours à écouter et ne pas intervenir en classe, constituent un sacré obstacle à surmonter. Certains apprenants capables de rédiger de brillants essais, s’avèrent beaucoup plus approximatifs à l’oral. L’idée largement répandue « lire et écrire avant de parler » reste très ancrée. L’apprentissage des langues au Japon se résume souvent encore à la méthode « grammaire-traduction » face à laquelle toute approche « innovante » : jeux de rôles, réalisation de projets… est presque suspecte. Malgré une prise de conscience générale de l’inefficacité des méthodes traditionnelles et la présence d’instructeurs natifs plus novateurs dans leurs pratiques pédagogiques, le Japon reste globalement englué dans ses habitudes héritées du passé. Curieusement, le domaine des langues échappe encore à la modernité au Japon.